sillon-fictionnel/content/post/inexistences.md

2.6 KiB
Raw Blame History

+++ author = "Miles Davos" title = "Chronique - Inexistences" date = "2024-02-07" tags = [ "bd","critique","chronique" ] ISBN = "9782302099678" +++

« Nous avons tout oublié. Comment se battre, comment atteindre des hauteurs vertigineuses et sombrer dans des abîmes incomparables. Nous naspirons plus à rien. » — Richard Matheson

Cest sur ces mots que souvre « Inexistences », de Christophe Bec, paru ce décembre 2023 aux Éditions Soleil.

Cet album grand format, comme ceux de la grande époque de la bande dessinée, celle de Druillet, Bilal, et de Mœbius, est magistral. Une magnifique ode aux géants de lanticipation, dans lombre desquels marche Bec le magicien. Une ode que je savourais en écoutant une œuvre tout aussi remarquable, et qui se marie parfaitement, tel un divin élixir, avec ce mets de choix : lalbum « L(oo)ping » de Rone, enregistré en live avec lOrchestre National de Lyon.

Mêlant textes littéraires profonds, dessins saisissants à couper le souffle — occupant parfois plusieurs pages — et chapitres de BD superbement ficelés, ce projet de cinq ans immerge les lectrices et les lecteurs dans un monde post-apocalyptique résultant dune troisième guerre mondiale.

Se départissant de lamour, de lharmonie, et de la paix que chacun dentre nous porte en soi, lhumanité dépeinte dans « Inexistences », qui ressemble étrangement à la nôtre, vécut ses « trente piteuses », exploitant jusquà la lie les écosystèmes dans lesquels elle évoluait, ou plutôt régressait.

Labrutissement, la quête du pouvoir menèrent à la fin de toute civilisation, jetant Terre et les survivants dans un hiver glacial qui nen finit pas. Dans des paysages arides où le froid menace chaque pas, chaque respiration devient une gageure, chaque jour se ressent comme une vie entière de dur labeur.

Des passages de « Inexistences » me prirent à la gorge telles des scènes de « La route » de Cormac McCarthy, bien que les deux œuvres naient de commun que lapocalypse qui vient. Dautres figèrent mon sang, me rappelant la lecture de « Animalz » dEnki Bilal.

Au fil des pages, je ne pouvais mempêcher de me demander pourquoi lhumanité dépeinte dans ces paysages majestueusement tristes continuait à marcher vers des lendemains fort incertains. Chacune, chacun savait quil ny aurait guère daprès. Alors, à quoi bon sacharner tant à inexister ?

Inexistences, Christophe Bec. Éditions Soleil. 29,95 €.