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author = "H. Galois"
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title = "Les furtifs"
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date = "2024-09-21"
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"livre","critique", "chronique", "roman"
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ISBN = "978-2-37049-074-2"
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<i>Un livre d’Alain Damasio</i>
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Cet été a eu lieu ma troisième tentative. Par deux fois j’avais essayé, sans succès. Finir ses livres relevait d’une marche tortueuse contre vents et furvents, comme celle qu’endurent les protagonistes de la « Horde du Contrevent ».
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En général, je n’ai pas d’états d’âme à suspendre une lecture, à me séparer d’un auteur ou d’une autrice. Mais là, ça me faisait de la peine. C’est que Damasio, de ce que j’en sais, a tout pour m’être aimable. Il écrit des pures fictions, à contre-courant de l’air du temps biopic et auto-fictionnel qui m’exaspère souvent ; il mêle roman et philosophie, sociologie, c’est-à-dire qu’il donne à penser notre monde, et pas uniquement des histoires pour nous divertir ; je me sens assez proche de nombre de ses idées et conceptions politiques ; il a des réflexions très intéressantes sur les technologies - le pouvoir qu’elles donnent et la puissance qu’elles amoindrissent -, la liberté et l’oppression ; il a une créativité admirable, enviable, illustrée par sa magistrale idée de trouver dans la typographie un nouveau mode d’expression, c’est-à-dire de transmettre du sens dans la forme des lettres et des mots ; des amis de confiance aiment ses livres, me les recommandent, me les offrent et me demandent si j’ai aimé… Tout me le rend aimable.
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Ses livres comportent nombre de pépites, de passages très réussis, de belles images, formules et idées (comme, pour n’en citer qu’une, ses « émeutes prometteuses », p. 269). Mais.
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Mais quelque chose bloquait. Alors j’ai repris, « Les furtifs », avec calme et application. Peu à peu, le malaise s’est à nouveau installé. Cette fois, j’ai pris des notes, pour comprendre.
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Qu’est-ce qui fait qu’un texte ne me va pas, au point d’avoir du mal à le lire ? Je me suis demandé si j’étais un bon lecteur. Pourquoi suis-je incapable de passer outre mes dérangements ? Je me suis demandé si je n’étais pas trop sensible… mais à quoi ? Au style ? (probablement pas, parce que je suis capable de lire de la très mauvaise prose). À une musique, une diction ? À la familiarité d’un univers ? Faut-il que je sois en terrain connu pour aimer ? Une certaine orthodoxie de l’écriture ? Je n’en savais rien. Peu à peu, mes notes ont dessiné quelques pistes.
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![](/images/LesFurtifs.jpeg)
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Les néologismes, mots imaginés, détournés, mots d’argot inventés sont omniprésents. Même les prénoms semblent tous inventés, ressemblent à des pseudonymes. Damasio cherche ainsi à créer une ambiance, un monde. Mais dans mon cas, ça n’a pas pris. Au contraire même, leur multiplication me gênait, comme s’il s’agissait de sous-titres m’expliquant de façon triviale le monde que je lisais.
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Les univers de Damasio me semblent aussi liés au monde des jeux vidéos, par les situations, les séquences, les noms et le vocabulaire, une certaine difficulté à percevoir les sentiments et sensations des personnages. Les références et codes de la fantasy sont aussi évidents. Ces univers m’étant absolument étrangers, peut-être y a-t-il là une raison qui m’éloigne de son écriture. Mais à vrai dire je n’en suis pas certain parce que, par définition, je ne sais pas identifier avec certitude les caractéristiques des univers de gamers, à peine mieux ceux de la fantasy (il y a souvent de la magie et des dragons ?).
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Autre difficulté, les longueurs. Je finis à nouveau, au cours de cette troisième lecture, par trouver qu’il y a simplement trop de mots. Certains passages me semblent trop longs (comme certaines chasses aux furtifs). Un ami m’a parlé des nouvelles de Damasio, dont certaines contiendraient en gestation ses romans, précisant qu’elles envoyaient, parce qu’elles vont à l’essentiel.
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Je me suis aussi demandé si cette écriture n’était pas taillée pour jeunes et adolescents : utilisation d’argot très contemporain, une certaine romantisation de la rébellion (dont les péripéties perdent de ce fait en force et réalisme), un peu de surnaturel, prénoms forcés qui sonnent comme des pseudos de plateformes en ligne (p. 272).
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L’adolescence, c’est la transition. Les mondes de Damasio sont en transition, ils bougent, sont parcourus, mis en cause. Mais je ne suis pas parvenu à y croire. Je n’ai pas cru aux bestioles, je n’ai pas cru les prénoms, peu cru les mots inventés, les modes d’action de la résistance, les réunions clandestines dans les yourtes et la répression ne m’ont pas convaincu…
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Mais alors, si sa langue et sa narration ne marchent pas avec moi… aurais-je vieilli ? Je me suis sérieusement posé la question. Mais la relecture de certaines vieilles notes m’a convaincu qu’à vingt ans, je n’aurais pas passé la vingtième page. Cette fois je suis arrivé à la 364e page. Mais je n’ai pas réussi à lire les 324 pages restantes. Et je le regrette.
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Plusieurs personnes m’ont dit que « La Horde du Contrevent » était magistrale, mais qu’ils avaient eu du mal avec « Les furtifs ». J’avais tenté, aussi, de lire la « Horde », sans plus de succès, échec à deux reprises. Alors j’en ai (re)lu des pages et des passages. J’y ai hélas vu les mêmes éléments qui m’ont éloigné des « Furtifs ». Il y a moins de néologismes, mais la structure de son écriture reste similaire. Et donc mes difficultés.
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Peut-être une autre clé se niche-t-elle dans une interview de l’auteur que je me souviens d’avoir entendue, où, à la question « que lisez-vous ?», Damasio répond (à peu près) : « de la philosophie, de la sociologie ». « Pas de romans ? » lui demande-t-on. « Non » (ou presque). Peut-être que je n’arrive pas à lire les livres d’un auteur qui n’est pas un lecteur de fiction. Peut-être que ce qui me manque chez lui est l’empathie d’un auteur qui prend soin de ses lecteurs, qui les prend par la main sans les bringuebaler rudement. Peut-être que j’aime les auteurs qui nous écrivent comme un conteur me regarderait autour d’un feu en me racontant l’histoire d’un roitelet réputé plus malin que les autres qui erre d’est en ouest sur la Méditerranée et met dix ans à renter chez lui. Pendant longtemps, la littérature fut orale, dite ou lue à haute voix ; beaucoup de textes contemporains n’y survivraient pas.
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Enfin, un dernier aspect me frappe, sans prétendre en tirer quelque conclusion objective: je suis un lecteur relativement lent. Je connais des lectrices et lecteurs lents, comme moi, et d’autres très rapides, capables d’avaler des pavés en quelques jours quand je mets des semaines. J’ai remarqué qu’en général ces lecteurs sont capables d’apprécier des styles et types de narration très différents et éclectiques, alors que les « lents », comme moi, sont plus difficiles et monogames. Il me semble que celles et ceux qui aiment Damasio, autour de moi, sont des lecteurs véloces.
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Finalement, il en est des livres comme des humains que l’on croise, parfois, contre toute attente, on n’est pas fait l’un pour l’autre.
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Les furtifs
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Alain Damasio
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La Volte, 688 p.
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2019
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content/post/naitre-sans-cesse.md
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author = "Alexandre Dulaunoy"
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title = "Naître sans cesse"
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date = "2024-09-22"
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tags = [
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"livre","critique","chronique", "photographie"
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ISBN = "9782487085053"
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Avoir entre les mains le journal d'un photographe, c'est souvent comme disposer d'une carte ou d'un guide pour mieux comprendre son travail.
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Ici, Naître sans cesse, le journal du photographe Jean-Christian Bourcart, nous plonge dans ses activités photographiques.
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Je connaissais déjà un peu son travail et j'avais toujours voulu connaître ses techniques pour photographier dans des milieux difficiles ou peu enclins à laisser un photographe travailler.
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Il décrit avec clarté son travail à Camden (États-Unis) et la manière dont il se fait régulièrement racketter. C'est un récit fascinant qui montre bien son acharnement à explorer les côtés les plus sombres de la société. Ce journal révèle une étrange alternance entre sa vie personnelle, ses amours, sa sexualité, et sa quête de capturer en images des réalités que l'on préfère souvent ignorer.
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L'écriture est simple et efficace, sans fioritures littéraires ni superflu. C'est un journal brut, écrit avec une honnêteté désarmante, comme on pourrait le rédiger sur un coin de table. Ce journal de photographe permet de mieux comprendre son travail. J'aurais cependant aimé voir quelques images de son processus artistique, qui semble relégué ailleurs dans son esprit, et non présent dans ces pages. Cela reste un livre captivant, surtout si vous vous intéressez à la photographie et à son milieu artistique.
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L'éditeur est [les Éditions l'écailler](https://editions-lecailler.com/), qui publie autre chose que des polars. La typographie est lisible et agréable. Quelques extraits de ce journal avaient été publiés auparavant dans *Sinon la mort te gagnait*, *Camden* et *L'oiseau noir à droite dans ma tête*, mais je n'ai pas comparé avec cette édition du journal. C'est un travail que je laisse aux lecteurs...
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content/post/yellowface.md
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author = "Emilien"
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title = "Yellowface"
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date = "2024-10-01"
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tags = [
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"roman","critique","chronique"
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ISBN = "9791034765850"
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Yellowface de Rebecca F.Kuang commence par une liste...
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![](https://i.harperapps.com/hcuk/covers/9780008532772/x450.JPG)
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... une drôle de liste...
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![](/images/liste.jpg)
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Est-ce de la prévention, pour se prémunir de piéger les lecteurs sensibles ? Une technique marketing pour attirer les lecteurs insensibilisés par les œuvres d'Irvine Welsh ou de Bret Easton Ellis ?
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Ou tout simplement c'est l'air du temps : même dans les webtoons coréens, on te prévient quand un chapitre va contenir de la bagarre...
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Bon, et sinon cette liste, elle est honnête ?
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Alors... oui, mais ! On est loin d'un _Filth_ ou d'un _American Psycho_. Même si Rebecca F. Kuang propose la même approche que Welsh dans sa narration en plaçant le lecteur dans les pensées foireuses d'un personnage à la morale douteuse, ça reste soft dans la décadence. On suit en effet les aventures de June Hayward, autrice sans grand succès, qui vole l'œuvre d'une collègue morte dans un accident improbable. Et de ce vol découle une spirale de justifications foireuses pour légitimer son acte. Surtout que la collègue en question est d'origine asiatique et que l'œuvre volée parle des immigrés chinois exploités par la France pendant la Première Guerre mondiale...
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L'autrice expose avec brio les problématiques du milieu de l'édition américaine, et l'humour est particulièrement présent. Je retiens particulièrement un passage délicieux où le personnage principal, aidée de son éditrice, charcute des passages entiers de l'œuvre volée parce que les personnages chinois ont des noms trop compliqués, ou quand un autre personnage propose l'emploi d'un "sensitivity writer", provoquant l'ire de la gredine principale.
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Le style est fluide et il est difficile de s'arrêter une fois commencé. On réfléchit aux problématiques d'appropriation culturelle, de marketing de la diversité et de l'intérêt d'utiliser TOR pour troller les gens sur Internet. Ça donne envie de découvrir ses autres publications.
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