From fb892861d0821de2f1ee17d2600cbf5335af5503 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Miles Davos Date: Fri, 9 Feb 2024 23:53:48 +0100 Subject: [PATCH] Le carcan --- content/post/le-carcan.md | 30 ++++++++++++++++++++++++++++++ 1 file changed, 30 insertions(+) create mode 100644 content/post/le-carcan.md diff --git a/content/post/le-carcan.md b/content/post/le-carcan.md new file mode 100644 index 0000000..c21f869 --- /dev/null +++ b/content/post/le-carcan.md @@ -0,0 +1,30 @@ ++++ +author = "Miles Davos" +title = "Le carcan" +date = "2024-02-09" +tags = [ + "nouvelle","microessai","société" +] ++++ + +Des rires percèrent tel un soleil radieux la brume de ma fatigue. + +Las, je ne voulais qu’une chose l’instant d’avant. Me recroqueviller, en ermite, hors des affaires des hommes et des femmes qui n’ont qu’une pensée : l’argent. Pour le pouvoir sinon pour la survie. + +Si j’avais pu me cloîtrer dans un village du Haut Atlas loin de l’égotisme, du népotisme, et des esprits étriqués, je l’aurais fait. Cependant, je danse comme les autres. A contrecœur. Mais je danse quand même, traînant mes chaînes et mes boulets. + +Un temps, je m’étais cru libre. Un temps, j’avais espéré que la révolte viendrait, face à tant de cruauté, de misère, et d’inconscience. Je pensais que cela aurait fait la tare de la grande balance, pour un siècle ou deux, avant de devoir recommencer. + +Puis je me suis penché vers l’histoire, celle des vainqueurs, mais aussi, quand elle fut à portée de main, celle des vaincus. En même temps, j’observais le monde, mon monde, s’enfoncer par l’égrégore des avides impavides et leurs armées de laquais. + +Puis j’ai vieilli et avec le peu de dents qui me restaient, je me suis mis à mâcher ma colère afin de la digérer, infectant ainsi chaque fibre, chaque tissu de mon être. Inexorablement se courbaient mon échine et mon dos. + +Tandis que je ruminais ma fatigue et mon romantisme, je les vis devant moi. Gais, joyeux, insouciants, débordant de vie et d’énergie. Des non-adultes qui n’ont pas encore revêtu masque et individualisme. Marchant bras dessus bras dessous. Comme ça. En toute spontanéité. + +Je sentis un sang nouveau circuler dans mes veines, un sourire se dessiner aux commissures de lèvres trop longtemps tirées par la gravité. + +Pourquoi ? Pourquoi n’y arrivons-nous pas ? À faire comme eux. À nous soutenir les uns les autres ? Pourquoi accepter d’être misérables, vénaux, bourrus ? Pourquoi donner la sève de nos vies pour une poignée d’inhumains et faire semblant que tout va bien ? + +Quand avons-nous tous bifurqué, nous éloignant de cette belle lumière que nous portions toutes et tous en nous ? + +Par quelle formule maléfique nous sommes-nous toutes et tous transmutés ? En lâches.