mirror of
https://github.com/adulau/sillon-fictionnel.git
synced 2025-01-02 22:13:12 +00:00
Chronique : Fort Alamo, Fabrice Caro
This commit is contained in:
parent
0d638b7cdb
commit
43fadee142
2 changed files with 44 additions and 0 deletions
44
content/post/fort-alamo.md
Normal file
44
content/post/fort-alamo.md
Normal file
|
@ -0,0 +1,44 @@
|
|||
+++
|
||||
author = "Miles Davos"
|
||||
title = "Chronique - Fort Alamo"
|
||||
date = "2024-12-27"
|
||||
tags = [
|
||||
"critique", "chronique", "roman", "humour", "société"
|
||||
]
|
||||
ISBN = "9782073085153"
|
||||
+++
|
||||
|
||||
Un grand sourire scinde mon visage. Mon humeur se veut légère, chantonnante. Des rayons de soleil s’échappent de mon cœur, malgré la nuit noire et la ville sans âme que j’habite.
|
||||
|
||||
Je viens de poser « Fort Alamo », le dernier roman de Fabrice Caro, plus connu sous le sobriquet de Fabcaro. Je l’ai lu quasiment d’une seule traite, tellement je l’ai trouvé jouissif.
|
||||
|
||||
Cela fait longtemps que je n’ai pas bu encre aussi savoureuse. Certes, ces temps-ci, je lis bien moins de romans qu’auparavant. Du moins, je les commence, sans les finir. Je les repose après 10, 20 ou 50 pages, parfois par lassitude, d’autres pour aller butiner d’autres fleurs, si ce n’est pas attiré par la facilité, le moindre effort de lire des bandes dessinées et autres romans dits graphiques.
|
||||
|
||||
Dès les premières phrases, je sentais que j’avais entre les mains une belle œuvre. Style clair, à la légère poésie, qui rappelle un peu le Bégaudeau des bons jours, si ce n’est du Echenoz.
|
||||
|
||||
Cyril est un professeur au caractère plutôt effacé, qui mène une vie rangée, tranquille. Mais comme nombre de ses congénères, il supporte mal les incivilités qui semblent se multiplier.
|
||||
|
||||
Un jour, alors qu’il peste en silence contre un malotru qui vient de lui griller la priorité en caisse de supermarché, ce dernier tombe tout à coup au sol et ne bouge plus.
|
||||
|
||||
Les incidents de ce type s’enchaînent autour de Cyril. Le courroux silencieux de notre protagoniste semble entraîner la mort instantanée d’autrui. Corrélation ? Causalité ? Les deux à la fois ma bonne dame ?
|
||||
|
||||
Qui sait ? Sauf peut-être Cyril, qui, les pages défilant, se convainc qu’il possède un superpouvoir, digne d’un Hulk des temps modernes, capable de provoquer l’AVC du con ou de la connasse qui l’emmerde, qui se torche des règles de bienséance, plutôt que de lui défoncer la gueule avec un barrage de poings-enclumes, comme aurait pu le faire un Bruce Banner courroucé.
|
||||
|
||||
Mais ce pouvoir incontrôlable risque de ruiner la soirée de Noël qui se profile chez son frère. Car Corrine, sa belle-sœur, l’irrite au plus haut point…
|
||||
|
||||
Blagues dosées comme il faut, tombant toujours ou presque à pic, espacées de quelques pages à peine. Des paroles, ici et là, qui ne ratent pas leur cible, commes celles-ci : « Sartre avait en partie raison, il n’avait simplement pas pu aller au bout de son raisonnement : l’enfer c’est les autres avec du réseau. » (Page 73)
|
||||
|
||||
L’air de rien, Fabcaro critique notre époque, nous rappelle l’importance du vivre-ensemble qui s’en va à tire d’ailes, et nous invite à l’apaisement quand nous nous irritons face aux incivilités d’autrui, leur trouvant des excuses quand cela est possible. Il me rappelle en cela le célèbre discours « This Is Water » de David Foster Wallace.
|
||||
|
||||
Mais Fabcaro ne tombe pas dans le panneau de la surgentillesse aveugle, de la brebis qui se fait dévorer par les loups, ses traits accueillant cela comme une bonne nouvelle.
|
||||
|
||||
Prenez par exemple l’analyse fine de Gilles, collègue de Cyril, page 121 :
|
||||
|
||||
> Ah oui le fameux On est tous le con d’un autre… Je supporte pas cette théorie. C’est les vrais cons qui l’ont inventée pour se dédouaner et pour que rien ne bouge. Le vivre-ensemble, c’est pas subjectif, c’est factuel : si tu passes ton temps à faire des trucs de gros con qui nuisent aux autres, tu es un gros con, point final, y a zéro relativité là-dedans. L’incivilité est une valeur absolue, mesurable, objective, la relativiser c’est la légitimer.
|
||||
|
||||
Tout est dit. Et pour finir cette recension, laissons infuser cette phrase du précédemment cité David Foster Wallace, extraite de « Infinite Jest » : « *Try to learn to let what is unfair teach you.* » (Essayez d’apprendre à laisser ce qui est injuste vous instruire)
|
||||
|
||||
![Couverture de Fort Alamo, roman de Fabrice Caro](/images/fort-alamo.jpeg)
|
||||
|
||||
—
|
||||
[Fort Alamo](https://www.gallimard.fr/catalogue/fort-alamo/9782073085153). Fabrice Caro. Collection Sygne, Gallimard. 19,50 €.
|
BIN
static/images/fort-alamo.jpeg
Normal file
BIN
static/images/fort-alamo.jpeg
Normal file
Binary file not shown.
After Width: | Height: | Size: 2.8 MiB |
Loading…
Reference in a new issue