Bienvenue à Sinnergulch, une petite bourgade dont on cherche patiemment le charme, malgré la beauté à couper le souffle des paysages qui l’entourent.
Nous sommes dans la province de l’Alberta, au Canada, en l’an1895. La ruée vers l’or est passée par là, mais les hommes ont sucé les filons jusqu’à leur substantifique moelle.
Le capitalisme ayant horreur du vide, surtout celui de ses coffres, il s’agit de se diversifier ou, comme la novlangue l’exige, pivoter.
Jay Foxton, hâbleur et beau parleur, tient Sinnergulch — qui veut dire le ravin des pécheurs — par les bourses.
Héritier de son vil père qui avait, en son temps, amassé une jolie fortune, il n’hésite pas à franchir la ligne blanche pour asseoir son empire, avec la complicité du shérif et du maire, pas mécontents d’émarger à ses poches profondes.
Jay est malin. Il a découvert un nouveau type d’or, noir celui-là. Il se met à acquérir des terrains où il installe ses puits pour une bouchée de pain, quitte à tordre la main de leurs propriétaires; voire plus si manque d’affinité.
Un soir, au Horny Squirrel, le cabaret du coin, il se met en tête de convaincre Gus Carcajou, l’ermite mi-français, mi-nakoda que tout le monde craint, de lui vendre la colline qu’il possède à la sortie de la ville. Elle regorgerait de pétrole, paraît-il.
Tout le monde essaie de lui faire changer d’avis. Il paraît que Gus saurait invoquer Wendigos et autres puissants esprits de la forêt. Ce n’est pas le genre de personnes qui se laisse conter fleurette. Mais Jay est têtu. Jay a un appétit glouton pour les pièces sonnantes et trébuchantes.
C’est enveloppé dans son égo et son manteau qu’il part à la conquête de la colline en plein hiver. Mais cela ne va pas se passer comme il l’avait prévu. Le vieux Gus va vite refroidir ses ardeurs. Mais Jay n’en démord pas et c’est l’escalade…
Ce roman graphique, scénarisé par Boris «ElDiablo» Dolivet, et dessiné par Djilian Deroche — qui s’est associé à Marion Chancerel pour la mise en couleurs — est tout bonnement superbe. Je n’ai pas pu le lâcher avant d’en avoir savouré le final, grandiose!
ElDiablo fait là une belle ode au Canada, son pays d’adoption, et surtout à ses premières nations, trahies et spoliées. Le dessin de Djilian est délectable. Il me rappelle un peu celui de Christophe Blain, notamment dans [Gus](https://www.dargaud.com/bd/gus) (rien à voir avec Gus Carcajou). Certaines planches, en pleine page, sont magnifiques. Et les couleurs sont juste parfaites.